Vous n’êtes pas des produits : Refusez Klout.com !

Je ne vous apprendrais rien en vous disant qu’internet fourmille de bonnes et de mauvaises idées. Les réseaux sociaux, par exemple, sont globalement une bonne idée même si on peut quand même en dire beaucoup de mal.

Le développement du blogging indépendant est également une excellente chose pour la liberté d’expression, et le fait que de plus en plus de personnes créent du contenu audiovisuel selon leurs désirs et peuvent le diffuser simplement et sans contraintes à travers des services d’hébergement de vidéos en ligne est une véritable révolution.

Toutes ces idées, j’en suis convaincu, sont un réel plus non pas pour internet uniquement, mais pour l’humanité en général car elles donnent enfin plus de visibilité à tous ceux qui ont des choses à dire. Dans le système précédent, avant l’ère du web 2.0, il fallait passer par les médias classiques pour être entendu, ce qui voulait dire être confronté à deux problèmes.

D’une part il fallait réussir à se faire connaître des personnes en charge de la diffusion (bonjour la galère) et ensuite, il fallait être suffisamment grand public pour s’assurer d’une diffusion. Bilan des courses, le contenu diffusé via les médias classiques n’a évolué que très lentement afin de satisfaire le plus large public possible. Voir du contenu à même été carrément interdit d’antenne à cause de lobbying actif.

Mais tout ceci est derrière nous. Enterré, terminé, fini. Les vieux systèmes archaïques ont fait place à de nouvelles façons de consommer les médias. Il n’y a plus de retour en arrière possible ! Enfin… vraiment ?

Quel est le rapport entre tout ceci et Klout.com ?

Klout.com est une idée moderne qui surfe à fond sur le 2.0 et pourtant dont les conséquences à moyen terme, voir à court terme, vont être une régression de ce statut de liberté d’expression, d’égalité des chances, propre à internet si le service devait prendre plus d’ampleur. Je m’explique.

Tout d’abord, qu’est-ce que c’est que ce Klout ?

Klout.com est un service en ligne gratuit créé par Joe Fernandez en 2008. Le principe est assez simple :  noter sur un barème de 1 à 100 les internautes selon qu’ils sont plus ou moins actifs sur les réseaux sociaux. Avec un score de 10, vous avez un compte facebook mais vous ne vous en servez jamais. A 40, vous êtes un « Spécialiste », quelqu’un qui parle régulièrement de son sujet mais sans que ça ait trop de répercutions. Passé 50, vous êtes un « Influenceur », quand vous parlez, on vous écoute. Et plus on s’approche de 100, plus on est dieu. Pour tout dire, une seule personne à aujourd’hui le score de 100 points, c’est Justin Bieber grâce à ses 18 millions d’abonnés sur Twitter.

Car il faut bien comprendre comment Klout fonctionne. En vous connectant sur le site, vous créez votre compte et vous lui donnez accès à vos différents comptes de réseaux sociaux, twitter, facebook, linkedin, foursquare, tumblr etc. Un algorithme savant va alors analyser plusieurs paramètres pour établir votre score comme :

– La fréquence de vos publications

– L’impact de vos publications sur votre lectorat (le nombre de like, ou de retweet par exemple)

– Le nombre de fois que vous êtes cité, vous, dans une publication tierce

– La viralité de vos publications (si grâce aux partages elles portent loin)

– etc.

 Jusque-là, pas de quoi fouetter un chat. Alors où est le problème ?

Le problème se situe une fois le score de 50 points dépassé. Passé ce stade, vous devenez « officiellement » une personne influente, et, à ce titre Klout vous donne accès à des petits bonus. Pas grand-chose, des petits points que vous pouvez utiliser pour acheter un badge à placer sur votre profil Klout par exemple. Ça reste encore bon enfant.

Mais à mesure que votre score monte, les marques commencent à s’intéresser à vous et elles vous proposent alors d’essayer gratuitement un produit, elles vous offrent des goodies, des cadeaux de toutes sortes. 

Au casino Palms Resort l’été dernier, les hôteliers vérifiaient le score klout des gens ayant fait des réservations, et ont donné de meilleures chambres à ceux dont les scores étaient les plus haut sans les avertir pour autant. Des grandes compagnies américaines (parce que bon l’influence de Klout est encore la plus forte outre atlantique) ont mis en place un service de surveillance Klout avec le SAV. Les personnes qui se plaignent des produits et qui ont un score élevé sont alors traitées de façon prioritaire. Pire, les entretiens d’embauche comment à prendre en considération le score Klout des candidats !

Fondamentalement, c’est un vrai problème.

Cette nouvelle attitude des marques autour de Klout, est ce qu’on appelle faire du « préférentisme ». Alors, certes, il n’y a rien de nouveau là-dedans. Il y a toujours eu des gens plus chanceux que d’autres, mieux loties etc. Oui, sauf que, doucement mais sûrement, ce système de score va rogner cette liberté d’expression sur internet où tout le monde est logé à la même enseigne.

Et, à vrai dire, ça a déjà commencé ! Eh oui, plus vous avez un score Klout élevé, plus de monde va s’intéresser à vous, plus vous aurez de marques qui vous feront de cadeaux, donc plus vous en parlerez, plus vous attirerez à vous d’autres marques etc. Le cercle vicieux est en place, car petit à petit un influenceur Klout devient une machine marketing inconsciente (ou parfaitement consciente) au service des marques.

Les projecteurs sont à nouveau braqués sur un certain type de personnes, mais dont le contenu éditorial n’est pas le plus intéressant ! Loin s’en faut d’ailleurs, car Klout.com se moque bien de ce que vous pouvez dire. Que vous ayez survolé une problématique ou carrément fait une thèse dessus, c’est pareil pour lui. Aussi, ceux qui veulent augmenter leur score vont mettre l’accent sur la quantité au détriment de la qualité.

Et voilà, la boucle est bouclée. Le système des élites Klout continuera de s’autoalimenter tel un microcosme nauséabond ne parlant que de lui-même, et caressant du pied les marques dans le but d’avoir toujours plus de cadeaux, et d’attirer encore plus d’abonnés.

Je suis contre un tel système. D’un point de vu marketing, cette idée est purement géniale. D’un point de vu humain, et journalistique, c’est vraiment pourri.

Aussi, je vous invite à aller sur Klout, créez votre compte, regardez votre score, puis effacez votre compte !

Tant que vous y êtes, vous pouvez également regarder le classement des gens qui ont un mauvais score, peut-être que vous y trouverez des passionnés qui ne parlent pas souvent, mais qui vont au coeur des choses.

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